L’arrivée d’un bébé prématuré : témoignage d’une maman

La prématurité peut toucher n’importe quelle famille…Et surtout, elle ne prévient pas ! Mon chemin a croisé celui de Barbara sur les réseaux sociaux. Suite à mon article sur l’opération WeLovePréma, elle a accepté d’offrir son témoignage, son vécu, face à l’arrivée prématurée de sa fille… Je n’ai pas honte de dire que celui-ci m’a bouleversée et m’a faite pleurer… Nous espérons avec Barbara que son expérience permettra une prise de conscience et pourra être utile…

          « J’ai 26 ans, je suis la maman d’Eliséa qui a eu 2 ans ce mois ci.

J’ai accouché par césarienne en urgence au terme de 33SA suite à une pré-éclampsie sévère avec Hellp Syndrome.

Elle a été décelée lors du suivi de grossesse, 3 jours auparavant. Je suis alors à la fin des 32SA. J’ai une tension à 16/9 et un début de protéinurie dans les urines. Je leur évoque à ce moment la violente douleur dans la poitrine que j’ai ressenti il y a quelques jours.

On m’hospitalise en grossesse pathologique pour tenter de stabiliser la tension, m’injecter les corticoïdes pour la maturation pulmonaire et on m’explique qu’on va tenter de tenir encore quelques jours avant de déclencher l’accouchement, afin de donner toutes les chances à notre fille. Je prends alors vraiment conscience que dans la prématurité chaque jour compte, énormément !

Durant les 3 prochains jours je patiente, les journées rythmées par les examens sanguins, urinaires, les monito et l’éternelle question : « avez-vous mal à la tête, ou voyez-vous des mouches noires ? ». De part mon métier, je connais la pré-éclampsie, ses conséquences, les complications et les risques encourus. Je suis consciente que ma fille va arriver plus tôt mais le mélange de stress, d’angoisse et d’euphorie se transforme en une drôle de sérénité, très déconcertante quand j’y repense.

Le 31 août au soir le couperet tombe. Les examens ne sont pas bons, les risques sont trop importants pour le bébé et moi. L’équipe décide de me déclencher pour un accouchement par voie basse. Sachant que le travail va mettre un certain temps avec de se mettre en route, je décide alors de ne pas faire venir immédiatement mon compagnon, pour le laisser dormir. Il devra être en forme le lendemain…

Le soir on me propose une douche ou un bain. J’opte pour une douche chaude, qui va me relaxer un peu. Ensuite je me remets au lit, contrainte par le monito et la surveillance continue du bébé. La sage-femme me propose alors un décontractant pour dormir. Je le prends, j’arrive à dormir de façon entrecoupée, et malgré les petites contractions qui débutent.

Au matin vers 8h, je suis subitement réveillée par une cohue angoissante. Toute l’équipe est là, et m’annonce dans la précipitation qu’on va me césariser en urgences. Le cœur de notre fille montre des signes de fatigue, elle bradycarde. Et pour ma part mon corps est train de littéralement flancher. La sage-femme me demande d’appeler rapidement mon compagnon. Il ne comprend alors pas vraiment ce qui se passe mais me répond qu’il arrive. On m’équipe alors pour le bloc.

On m’y installe, on me place un masque à O² (oxygène) sur le nez, on essaie de me détendre. L’équipe me parle en permanence, m’explique tout. Je suis au ralenti. Je ne sais pas si c’est à cause de la pré-éclampsie et des complications sévères qui ont débuté ou du décontractant qui agit encore, mais je ne suis absolument pas stressée, ni angoissée. Je me laisse faire. Mon corps ne m’appartient plus à cet instant. L’anesthésiste me fait la rachi-anesthésie sans que je ne ressente aucune douleur. On m’allonge, et elle fait effet quasiment instantanément.

La césarienne se passe, comme une césarienne. Jusqu’au moment où ma fille est extraite de mon ventre. A ce moment je n’espère qu’une chose, l’entendre pleurer. Je me concentre, je n’entends plus personne autour, je l’entends tousser, tousser. Et j’entends enfin un petit cri strident traverser la salle. Les larmes me montent instantanément aux yeux. Elle pleure. Pour moi c’est énorme. Elle pleure donc elle respire. Ils l’emmènent rapidement pour les soins.

copyright bébé Elise PM

La petite Elisea à J+9 (environ 2,2 kg)…

Je suis encore au ralenti pendant que les obstétriciens s’affairent à me coudre. Et à un moment le temps s’arrête, une sage-femme arrive avec ma fille dans les bras pour me la présenter. On m’enlève le masque pour que je lui fasse un bisou. On me signale que tout va bien. Elle fait 44cm et 2.100kg. La première phrase que je prononce devant ma fille est : « elle est toute petite ». Et elle doit être vite repartir pour aller en service de soins intensifs.

Je suis emmenée en salle de réveil où je vais rester 4h, n’étant pas très stable sur le plan tensionnel et respiratoire. A ce moment je suis loin de me douter que ça va être le cas durant plusieurs jours, durant lesquels je ne pourrai pas aller voir ma fille…

Ça a effectivement duré 4 jours. J’ai conservé mes perfusions, ma sonde urinaire, on me surveillait comme le lait sur le feu. Je pleurais tous les jours de ne pas voir ma fille, de ne pas pouvoir la toucher, la prendre dans mes bras. Je demandais à mon compagnon d’être avec elle le plus possible et il prenait des photos pour me la montrer.

Au bout de 4 jours j’ai commencé à perdre patience et j’ai un peu insisté pour qu’on me permette de voir ma fille. On m’a tout enlevé et on m’a promis que j’irai la voir dans l’après-midi. Je n’ai jamais autant trouvé le temps long, j’ai ressenti l’impatience extrême, presque insupportable.

L’après-midi en question arrive, on m’installe sur un fauteuil. Je suis encore douloureuse et vertigineuse au point de ne pas pouvoir marcher sur mes deux jambes. Je me contiens, à l’approche de LA rencontre j’ai un trop-plein d’émotions qui a envie de se vider.

On arrive à l’entrée du service de néonatalogie. Une infirmière est là pour m’accueillir. Elle m’explique toutes les règles d’usage avant d’entrer. Les sur-chaussures, le lavage des mains, le gel hydroalcoolique, la blouse rose, le masque si on tousse. L’atmosphère est pesante, il fait très chaud, il fait sombre, le bruit des scopes en alarme retentit. Tout cela s’oppose étrangement aux peintures claires, les fresques joyeuses et la musique douce dans le couloir…

Ça y est, on me pousse vers la grande pièce où se trouve le berceau de notre fille. Les larmes coulent abondamment. Je ne retiens plus rien. Je m’approche et je suis heureuse. Heureuse de pouvoir enfin l’approcher, la voir. Mais un sentiment d’immense culpabilité m’envahit alors. Elle était là, si fragile, « seule », sans sa maman, et depuis 4 jours. Dans ma tête : « Ma fille je suis là, désolée de t’avoir abandonnée. Maman est là. Je t’aime si fort ».

C’est une douleur extrême de ressentir cette culpabilité, de s’accuser soi-même de quelque chose dont on n’est pas à l’origine. Et c’est quelque chose qui dure ou peut durer longtemps si personne ne nous aide à y faire face. Je le comprendrai plus tard…

Notre fille est restée hospitalisée 21 jours en services de soins intensifs puis en néonatalogie. Des jours rythmés par des rituels : le lavage des mains, l’habillage… Et l’inquiétude pour son enfant : elle ne tête pas efficacement, les apnées, les bradycardiesHeureusement l’équipe est fantastique, le dialogue est ouvert, elles comprennent nos peurs, elles sont présentes, nous investissent.

Grâce à cela nous n’avons pas trop eu cette impression d’être dépossédé de notre enfant. Nous pouvions être là 24/24h, et nous avons profité d’être le plus présents possible pour participer au quotidien de notre fille dans le service. L’intimité n’était pas au rendez-vous certes, mais si heureux d’être auprès de notre fille qui allait de mieux en mieux, nous oublions les inconvénients du service.

Les derniers jours j’ai pu bénéficié d’une chambre mère-enfant pour préparer la sortie. C’est un moment que j’attendais, et que j’appréhendais en même temps. Nous serions toutes les deux. Et si je ne faisais pas les choses comme il faut ? Heureusement, l’équipe était toujours aussi présente et à l’écoute. Jusqu’au jour J, la sortie.

La sortie est un moment de bonheur, partagé avec l’équipe qui se fait une joie de voir partir un bébé en forme. Mais c’est un moment angoissant pour les parents. Il va falloir commencer la vie à trois à la maison. Pas de scope pour surveiller son enfant. Et oui, on s’attache facilement à ces petites machines qui nous signalent que notre enfant va bien… ou pas. Et si un jour ça n’allait pas à la maison ? Il va falloir qu’on apprenne à vivre avec l’angoisse. Enfin ça me concernait surtout…

Notre fille a été de nouveau hospitalisée quelques semaines après et durant 20 jours, suite à un malaise grave, dû à un reflux gastro-œsophagien. Elle a été traitée 11 mois au total.

Aujourd’hui elle a eu 2 ans et est en parfaite santé. C’est une petite fille très joyeuse, dynamique et une vraie pipelette. Elle nous comble de bonheur.

Pour ma part, je me remets doucement, physiquement et psychologiquement. Et je sais que j’ai encore un petit chemin à parcourir.

La prématurité, quel que soit le terme de naissance, est quelque chose de difficile à encaisser. Bien entendu ça l’est encore plus pour les parents de grands prématurés, qui doivent faire face à l’inconnu, les graves complications, les longues semaines d’hospitalisation et malheureusement parfois la mort. Mais quelque soit le terme et le déroulement des choses, le traumatisme est là.

J’ai envie de dire aux parents de prématurés qu’il ne faut pas hésiter à s’entourer, demander de l’aide. S’entourer de gens qui peuvent être en mesure de comprendre, de ne pas émettre de jugement, ou qui l’auraient déjà vécu. Mais aussi apprendre à dire « non ». On a souvent besoin d’intimité, de calme, quand on le désire. Les proches n’arrivent pas toujours à comprendre cela, dans l’euphorie de la naissance ils veulent être là, voir le bébé. Ils veulent aider, sans avoir l’impression qu’ils font du mal. Ils ne voient pas toujours que l’on souffre, que l’on est fatigué, que l’on est très inquiets. Même si on le verbalise. Ce n’est pas un reproche. Quelqu’un qui ne l’a pas vécu ne peut tout simplement pas toujours comprendre.

Pour moi l’accompagnement des parents de prématurité est quelque chose d’essentiel, et pour lequel j’ai envie de m’investir. Mon témoignage est une toute petite pierre à l’édifice. »

                                                                                                                                  Barbara

Ce témoignage m’a beaucoup touchée, émue… Il y a tant de choses à faire pour accompagner ses familles… L’association SOS Préma fait de son mieux… C’est pour cela qu’avec Papa Panique et d’autres blogueurs nous participons à l’opération WeLovePréma, pour essayer d’aider un peu, à notre petite échelle, cette association qui oeuvre pour les prématurés…

macaron-blogueuse-we-love-prema

N’hésitez pas à participer à nos côtés, à nous soutenir ou tout simplement à nous encourager ! Pour savoir comment faire, c’est par ici :

article « Je participe à l’opération WeLovePréma, et vous ? ».

6 réflexions sur “L’arrivée d’un bébé prématuré : témoignage d’une maman

  1. Un bien beau témoignage dans lequel je me retrouve…je suis maman de deux prémas (une à 24 sa et une à 30 sa) . Merci à l’association SOS préma d’exister. Même si je ne l’ai pas vu directement, je pense que son action permet aux parents de préma de se sentir parents malgré tout !

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